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Breakfast   at Tiffany's.overblog.com

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"Lorsque tu écris l'histoire de ta vie, ne laisse jamais une autre personne tenir la plume pour toi"


Marchez doucement sur mes rêves.....

Publié par Michel T sur 22 Avril 2019, 14:17pm

Marchez doucement sur mes rêves.....

Vous allez lire une histoire dont je ne suis pas l'auteur, je l’aurais tellement voulu...
Je reste modestement à ma place. J’ai recopié , c'est tout,et ce fut très,très long.....
Mon but est de vous faire découvrir un moment magique dans une vie ,un rêve éveillé . Je suis tellement fasciné par ce qui est raconté dans ces lignes, que je veux le partager avec vous....
Merci à PLS , avec toute mon admiration.

Marchez doucement sur mes rêves.....

Le couple était extrêmement beau, mais disparate. Elle portait une robe longue blanche de chez Dior et autour du cou un fabuleux collier d’émeraudes et de diamants. Elle était la plus jolie femme ayant jamais posé un escarpin de Charles Jourdan sur la moquette d’une banque Suisse.

L’homme était très grand et très maigre, il se déplaçait en donnant une étrange impression de maitrise lente. Il avait d’étonnants yeux très clairs et très profonds, et surtout il détonnait au coté de cette jeune femme à la miraculeuse beauté.

Il n’était vêtu que d’une chemise en toile de jean de couleur bleu délavée, à pattes d’épaule et à poche de poitrine à rabats boutonnés. D’un jean vraisemblablement un 501, de mocassins de cuir noir soigneusement cirés mais qui n’étaient vraiment pas neufs. Et il portait sur l’épaule, par la bretelle, un sac de toile kaki.

La seule vue de cette femme coupa le souffle à l'employé de la banque derrière son guichet, il fut également et inexplicablement impressionné par le compagnon de la jeune femme..

La jeune femme fut la première à s'approcher des caisses, elle s'accouda et adressa un merveilleux sourire à l'employé :

" Est ce que vous parlez le Shamatari ?

- Non, madame, répondit l'employé, je suis tout à fait désolé."

Il n'avait jamais entendu ce mot

" Même pas quelques mots courants ?

- je suis extrêmement désolé, vraiment pas madame " dit l'employé

Nouveau sourire, peut être plus éclatant que le premier, si la chose était possible.

" Cela ne fait rien, dit la jeune femme, c'était uniquement pour savoir, de toute façon. "

L'homme s'approcha à son tour, s'accouda également à la caisse, posa son sac de toile à coté de lui, demanda à l'employé :

" Mais vous parlez peut être l'Anglais ?

- oui monsieur

- Et l'Allemand ?

- Je parle également l'Allemand

- Le Français?

- Oui monsieur le Français également

- L'italien ?

- Un peu d'Italien, oui monsieur

- Mais pas l'Espagnol, ni le Yiddish, ni l'Hébreu, ni le Portugais, ni l'Arabe ?

- Non monsieur, je ne connais aucune de ces langues, croyez que j'en suis navré.

Thadeus Töpfler, le chef de bureau de l'employé capta le regard inquiet de son subalterne et décida que le moment était venu pour lui de monter en première ligne.

Il parvint à la caisse au moment ou l'homme disait avec bienveillance à l'employé :

" En dépit de ces quelques handicaps de départ, je pense que nous allons pouvoir faire affaire ensemble, vous et nous.

La jeune femme alla s'assoir dans un fauteuil près des caisses, comme si rien n'avait été dit

Le chef de service qui observait la scène à quelques pas de là, jugea qu'il était temps pour lui d'intervenir et il se dirigea vers son employé.

" Y a t il quelque chose que je puisse faire pour vous Madame, Monsieur ; Monsieur....?

"Slim Zapata - dit l'homme tout à fait imperturbable et même avec de la courtoisie.

D'un index qui devait bien faire 10 cm de long, Il fit signe à Töpfler le chef de service, de s'approcher de lui et lui murmura à l'oreille:

" Mais vous savez, ce n'est qu'un nom d’emprunt, je suis ici incognito, je vous serai très reconnaissant de bien vouloir protéger mon anonymat"

C'est un fou ou un Cubain pensa Töpfler  Depuis quelques temps on voyait en Suisse beaucoup de Cubains apportant des capitaux sur lesquels, depuis que Baptista était mort, le nouveau maitre de la Havane, un certain Fidel Castro, lorgnait avec concupiscence.

"Je voudrai simplement toucher un chèque dit l'homme, effectuer un retrait en quelque sorte"

Rien de plus facile monsieur, dit Töpfler avec une assurance sereine qui meublerait pas mal de ses nuits blanches ?Dès l’instant ou vous nous faites l’honneur d’avoir un compte chez nous....

-Ce qui est le cas dit l’homme. Mais je n’ai pas de chéquier. Pourrais-je espérer bénéficier d’un chèque de caisse ?

Töpfler  mentionna quelques petites formalités à remplir, après lesquelles lui, et tout le personnel de la banque, sinon la Confédération Helvétique dans sa totalité, seraient à l’entière dévotion de Mr Zapata. Surtout s’il s’agissait d’un compte à numéro. Etait-ce le cas ?

-Oui, dit l’homme

On passa dans un bureau voisin, plus discret. On procéda aux formalités, « Slim Zapata » offrit gracieusement ses empreintes digitales , mentionna le code d’accès secret, indiqua le numéro ,non moins secret, de son compte et consentit même à montrer son passeport...

REB MICHAEL KLIMROD

Le nom était totalement inconnu à Thadeus Töpfler .Il alla chercher un chèque de caisse, après en avoir référé à son propre chef de service .

- Tout est en règle, crut-il devoir dire en revenant. Vous inscrivez simplement le montant de votre retrait.

- Je n’ai rien pour écrire », remarqua Zapata-Klimrod ,suave.

À ce moment là, seulement, Töpfler nota avec effarement la position singulière de la jeune femme : elle s’était installée sur un canapé bas ,moelleux, avec la très évidente intention d’y faire un brin de sieste .Elle avait déjà ôté ses chaussures et ses bas et se débarrassait maintenant de l’ensemble Dior .

Elle apparut en soutien-gorge et petite culotte de dentelle.

- Un problème ? » Demanda Zapata-Klimrod.

Töpfler déglutit et se concentra intensément sur la table....

- « Aucun dit-il, absolument aucun Monsieur. »

...sur la table ou il n’y avait que le chèque de caisse. Il voyait celui-ci à l’envers mais bien sûr, pouvait lire les chiffres. Il vit la grande main halée inscrire un 1 minuscule, puis un premier zéro qui n’était pas bien grand non plus ...

-« En  écrivant petit, expliqua gravement Zapata-Klimrod , j’ai l’impression de dépenser moins. »

...deuxième zéro, puis un troisième....

« Je voudrais une couverture dit la jeune femme , j’ai un peu froid »

Töpfler machinalement leva les yeux et se maudit aussitôt de l’avoir fait. Elle était complètement nue, à présent, allongée nuque dans ses paumes et talon du pied droit sur les orteils du pied gauche.

-« Monsieur ira porter notre chèque et sera assez aimable pour te rapporter une couverture , ma chérie , dit Zapata-Klimrod. N’est-ce-pas monsieur ?

-« Absolument, dit Töpfler, absolument, absolument »

Il commençait à perdre  pied. Il revint au chèque : ....cinquième zéro, sixième, septième......

« Mein Gott ! pensa Töpfler, j’ai vraiment affaire à des fous ! »

.....huitième zéro, puis le chiffre trois, puis une virgule, puis le chiffre 45.

« Et voila » dit Zapata-Klimrod en faisant tourner le chèque à quatre-vingt-dix degrés.

Ses yeux gris fixaient Töpfler et n’exprimaient strictement rien. Töpfler toussota :

« Excusez-moi dit-il, vous avez négligé d’inscrire la somme en toutes lettres .Et vous avez également oublié de mettre la virgule.

« Mais non ,dit-il, la virgule y est bien. Trois virgule quarante cinq. Pas de doute elle y est. Chérie ? Voudrais-tu venir une seconde s’il-te-plait ?

Töpfler plongea en avant et contempla ses genoux avec fascination.

« C’est une très jolie virgule, dit la voix de la jeune femme. je ne vois vraiment pas ce qu’on pourrait lui reprocher . Ces banquiers sont chicaneurs à un point incroyable. Ils sont tous les mêmes : ils veulent bien vous prendre votre argent, mais pour vous le rendre.... »

Töpfler, toujours penché en avant à admirer ses genoux, dit d’une voix un peu étouffée :

« Excusez-moi Monsieur, mais si vous laissiez la virgule ou vous l’avez mise, cela ferait un milliard de francs suisses.

« Il ne s’agit pas de francs suisses mais de dollars, répondit Zapata-Klimrod. Et le montant exact est d’un milliard et trois dollars quarante cinq Je suis quasi assuré que les trois dollars quarante cinq figurent sur mon compte. Pour le reste je m’interroge, je suis perplexe . Vous devriez aller aux nouvelles monsieur . Et n’oubliez pas la couverture en revenant , s’il vous plait. »

Il se produisit alors quelque chose de très étonnant dans la tète de Thadeus Töpfler.

C‘était un suisse, fils, petit-fils, arrière-petit-fils arrière-arrière-petit-fils de banquier. On était dans la banque chez les Töpfler, depuis à peu près trois cents ans. –« Quand mon grand-père parlait de la banque, en général, nous observions aussitôt après une minute de silence »

 

 

Thadeus Töpfler, sitôt sorti du bureau ou il avait laissé le couple, fut pris d’un fou rire. Fou rire nerveux, certes, mais à peu près incoercible .

Et la deuxième chose extravagante qu’il fit ce même jour ,fut d’entrer sans frapper dans le bureau de l’homme qu’il haïssait le plus au monde : Othmar Brockman , chef d service crédit.

« Il y a là en bas, dit-il, un homme en espadrille qui nous présente un chèque d’un milliard de dollars »

Sur quoi son fou rire le reprit et il manqua de tomber par terre. C’était surtout le détail des espadrilles qui déchainait à nouveau son hilarité –« Pourquoi diable ais-je dis ‘’en espadrille’’ ? »

« Vous êtes ivre Töpfler » dit Brockman .

Töpfler réussit à poser le chèque sur le plateau du bureau. Brockman jeta un coup d’œil sur chèque et haussa les épaules.

« Un fou . Prévenez discrètement la police. »

Et puis un déclic parut se produire. Il attira à nouveau le chèque à lui , l’examina, se leva. Alla ouvrir le petit coffre-fort mural , y prit un carnet qu’il compulsa.

Il revient à son bureau et décrocha le téléphone.

 

Le même jour à dix heures vingt-cinq du matin , Aloîs Knapp se trouvait dans la grande salle de l’hôpital Dolder, au 65 de la Kurhau-strasse à Zurich . Il prenait part ,en sa qualité de vice-président, à la réunion mensuelle  de l’association des Banquiers Suisses, dont le président est, par tradition, un banquier privé de Bâle.

 

La nouvelle qu’on le demandait au téléphone l’agaça dans un premier temps. Il ne le montra pas : en tant qu’homme et, en temps que banquier, il était froid comme la mort. En 1960 il avait tous justes cinquante ans

-« Qu’est-ce qu’il vous prend Brockman ? « 

Il écouta , demanda :

-« Les contrôles ont tous été effectués ? »

Puis il dit : « J’arrive. »

 

 

Il fut sur place avant onze heures ,Brockman et le jeune Töpfler l’attendaient discrètement à l’écart.

-« Ou est il ? »

On le conduisit jusqu’au bureau du rez-de-chaussée

-« Il vaudrait peut-être mieux frapper avant d’entrer »  suggéra timidement Töpfler qui avait ,sinon perdu son envie de rire, du moins suffisamment de maitrise sur lui-même pour ne pas y donner libre cours en présence d’Aloïs Knapp descendu de son olympe.

Knapp frappa à la porte, reçu une invite à entrer, entra, referma la porte sur lui. Il demeura dix à quinze minutes à l’intérieur puis ressortit, un peu pale, et la joue droite marquée par le dessin très caractéristique et très reconnaissable de deux lèvres féminines enduites de rouge. Il regarda Töpfler.

-« C’est à vous qu’il veut avoir affaire . A vous seul. Vous êtes bien Töpfler, n’est-ce pas ? Alors allez-y entrez. »

Töpfler entra dans le bureau , totalement sidéré. Il entendit la question de Brockman et la réponse de Knapp. Brockman demanda :

-« Un milliard de dollars ! C’est de la démence. Qu’est-ce qu’on fait ?

-« On paie répondit Knapp.

 

 

Töpfler dans le bureau, découvrit la jeune femme debout sur le canapé, enveloppée dans la couverture qu’il avait ramené pour elle .

L’homme était torse nu et avait le visage barbouillé de rouge à lèvres, à la façon des sioux partant en guerre. L’homme sourit aimablement :

-« Comment vous appelez-vous ? »

-Thadeus Töpfler

-« J’adore  Thadeus dit la jeune femme ,il est vraiment très chou ;

-« Je peux vous appeler Thadeus ? demanda l’homme. Appelez moi Reb, s’il-vous-plait. Ah ! Une chose Thadeus : je souhaiterais le milliard de dollars en billets de cent dollars plus. Pas de plus grosses coupures je vous prie . Vous n’aurez qu’à en faire un tas, quelque part.

-« Pour les trois dollars quarante cinq, dit la jeune femme nous vous laissons le choix, soit un billet de trois dollars et quarante cinq cents ou de la menue monnaie. Non attendez, de la monnaie plutôt , c’est mieux pour une dame avec vos satanés cabinets germaniques , pour un homme ce n’est pas un problème si vous voyez ce que je veux dire... !

 

A ce moment là, seulement, pour la première fois, (et cette sensation s’accentua dans les heures suivantes) Töpfler eut l’impression que quelque chose n’allait pas . C’était extraordinaire qu’on put venir, un tel chèque , c’était unique, d’accord ,mais la réaction de Knapp l’avait montré : cet homme aux yeux gris pouvait réellement entrer dans une banque suisse, la plus importante ou peu s’en fallait et y exiger la somme astronomique d’un milliard , en dollars américains.

Bon cela prouvait une assez incroyable fortune. Mais quelques hommes dans le monde étaient riches à ce point, une poignée d’accord encore, mais ils existaient . Là il s’agissait d’autre chose.

 

Ainsi le fait que cet homme soit inconnu , Il avait appris à lire dans la presse financière , il savait les noms , les visages d’un Howard Hughes, d’un Hunt, d’un Getty, d’un Gulbenkian, des Onassis et autres Niarchos . Il connaissait même l’existence d’un Daniel Ludwig que tout le monde ou presque ignorait. Mais Klimrod? Qui diable n’avait jamais entendu parler d’un Klimrod,

 

Il demanda :

-« Y a-t-il quoi que ce soit d’autres que je puisse faire ?

 

-« Un grand martini avec beaucoup de glace dit la jeune femme . Ensuite, champagne et caviar. Pour le caviar, téléphonez de ma part au Shah d’Iran, il a quelques boites de bonne qualité. Dites que vous appelez de la part de Charmian, il se mettra en quatre.

-« Une marque de champagne particulière ? S’enquit Töpfler.

-« Dom Pérignon 1945 rosé, s’il vous plait , Trois ou quatre magnums pour commencer rien de plus gros, ni Jéroboam ni réhoboam , ça s’évente trop vite .

-"Ah Reb ?

-« oui ma chérie ?

-« Tu devrais donner dix ou quinze millions à ce jeune homme , il est vraiment très chou

 -J’y penserai dis l’homme avec douceur , sitôt qu’ils m’auront payé mon chèque. Ce qui risque de prendre un certain temps semble-t-il . Ah ,Thadeus

-« Oui monsieur

-« J‘aimerais assez un hamburger si cela ne vous ennuie pas trop. On en fait d’excellents à Francfort pour les soldats américains stationnés en Allemagne . Vous pourriez vous en occuper Thadeus ;

-« Très certainement Monsieur, dit Töpfler, avec joie .

 

Il essaya de soutenir le regard flamboyant gris mais dut finalement détourner les yeux Une première conviction l’envahit qui allait se renforcer par la suite : » cet homme n’est pas fou, pas vraiment, lui il s’amuse peut-être..Elle en revanche, car si extraordinairement belle fût, le doute n’était pas permis, elle était anormale , elle était folle. Dans cette espèce de gaité ardente ou le jeune Töpfler discernait une fièvre démente et désespérée

 

 

Dans le bureau d’Aloïs Knapp ou il entra ce jour là pour la première fois, Thadeus Töpfler , découvrit ce qui ressemblait à un conseil de guerre.

L’état major au grand complet était là ,et mieux encore, dans l’heure qui suivit, arriva en renfort le vieux et très vénérable Jakob Füssli qui avait 82 ans et s’était, trois ans plus tôt, résigné à la retraite , remplacé par Alöis Knapp .

 

-« Les nouvelles Töpfler ?

-« Ils veulent du champagne ,pas n’importe quel champagne, du caviar, pas n’importe quel caviar , des hamburgers ,pas n’importe quels....

-« Ne faites pas le pitre je vous prie, et asseyez vous Töpfler ,dit Knapp . Notre client ne veut avoir affaire qu’à vous . A partir de cette minute vous êtes donc détaché de toute autre obligation ou responsabilité . Vous serez en contact permanent avec votre client d’une part, et avec Mr Füssli et moi-même d’autre part .

Vos consignes sont simples. Accédez à toutes les demandes que votre client vous fera jusqu’à concurrence de cent mille francs . Pour toute dépense excédant cette limite, vous en référerez à Mr Füssli ou à moi-même. Êtes-vous marié ?

Töpfler n’était que fiancé, Knapp acquiesça comme si cette nouvelle là au moins était bonne .

Il reprit :

-« Il nous faudra un peu de temps pour réunir la somme...

-« Il veut au plus des billets de cent dollars dit Töpfler, osant interrompre le grand manitou .

Knapp ferma les yeux, les rouvrit :

-« Dans ce cas il nous faudra deux jours de plus, trois en tout. Pendant ces trois jours ,Töpfler, vous assurerez un service permanent .Si notre client, le votre, insiste ,comme d’ailleurs il le fait, pour demeurer dans notre banque, aussi longtemps que nous n’aurons pas honoré son chèque, vous y resterez avec lui, avec eux. Tâtez le terrain Töpfler, essayez de connaitre leurs intentions, s’ils veulent dormir ici , nous ferons aménager la salle Guillaume Tell en appartement et un lit de camp sera prévu pour vous.

 

Töpfler regarda Knapp avec une stupéfaction sans borne .L’idée lui vint que Knapp était aussi devenu fou ,et Füssli le vénérable , et tout les membres de l’état major étaient devenus fous , tout le monde sauf lui .

-« Coucher ici dans la banque  ? Articula-t-il !

L’œil glacé de Knapp le transperça, Knapp dit à la cantonade :

-« Mr Füssli et moi-même souhaiterions rester seuls avec Mr Töpfler .

 

La cantonade s’en alla . Töpfler demeura seul face aux Grands Manitous ...

-« Töpfler...dirent exactement en même temps le vénérable Füssli et Alöis Knapp , Knapp dit avec déférence :

–«  Je vous en prie Monsieur Füssli ...

-«  Niên, nenni , pas du tout Alois, dit le vénérable, c’est vous dirigez à présent. Et après quelques secondes il ajouta : -«  Dieu en soit loué d’ailleurs !

-« Töpfler, dit Knapp, vous comprenez bien que nous avons à faire à une situation unique dans les annales de la Banque helvétique....

....et très vraisemblablement mondiale dit le vénérable Füssli .

-« Nous répondrons à cette situation et à toutes ses exigences , dit Knapp, avec la rigueur , l’efficacité , la célérité et la discrétion, surtout la discrétion Töpfler, qui sont les nôtres et qui ont fait la gloire, la fortune et l’orgueil de cet établissement .

 

Töpfler pointa un index respectueux :

-« Puis-je poser une question Monsieur ?

-« Oui mon garçon

-« Est-ce que notre client a vraiment un milliard de dollars sur son compte ?

Je n’aurais pas du demander cela ,pensa-t-il dans la seconde suivante. Les deux Grands Manitous le foudroyaient du regard....

 

_ »Ne nous faites pas douter de votre état mental Töpfler. Ne nous faites pas appréhender plus encore les conséquences du choix fait par notre client que vous soyez notre seul contact avec lui. Personne au monde ne possède un milliard de dollars sur un compte bancaire ,Töpfler .

Il se trouve simplement que notre client bénéficie d’une ligne de crédit dépassant cette somme et les relations particulières que nous avons avec lui nous font obligation d’accéder à sa demande .

Knapp aspira à fond et dit encore :

-« Töpfler nous fermerons la banque au public vendredi prochain ,sous la raison officielle de quelques réaménagements de détails intérieurs . Jusque là, la banque fonctionnera normalement, du moins l’espérons-nous. A cela près que soixante-dix hommes et femmes travailleront jour et nuit pour trouver ces billets de banque .Nous n’avons pas un milliard de dollars en billets de cent , Töpfler .Nous sommes vertigineusement loin du compte. Il va nous falloir faire appel à toutes les banques du pays et à celles des autres pays européens et très vraisemblablement à l’institut Américain d’émission. Nous avons à mettre en œuvre un dispositif gigantesque avec des avions et des convois spéciaux à l’échelle mondiale . Si nous atteignons notre objectif en trois jours ,il faudra voir dans ce miracle ,l’intervention de la main divine. Et vous serez en bout de chaine ,Töpfler , tout au bout . Votre prénom est bien Thadeus

 -« Oui Monsieur

-« Thadeus, il y a encore un dernier point que nous désirerions vous souligner, Mr Füssli et moi :

-Cinq autres personnes représentant l’état-major de notre banque se trouvaient il y a quelques instants dans ce bureau , outre Mr Füssli , vous  et moi .Elles ne connaissent pas le nom de notre client. Nous ne sommes donc que quatre avec Brockman à le savoir .

Et maintenant ceci Thadeus : Que quiconque dans cette banque et à plus forte raison à l’extérieur de celle-ci, soit par votre faute mis au courant ,de quelques façons que ce soit, mème si vous parlez en dormant , de cette catastrophe Qui nous frappe et surtout du nom de l’homme à qui nous la devons et je vous jure sur la bible que je ferai en sorte que vous ne retrouviez pas le moindre emploi , serait-ce comme cantonnier dans tout le pays . Et je m’occuperais personnellement de vous , Thadeus, dussè-je y consacrer le restant de mes jours . Suis-je clair Thadeus  ?

-« Oui Monsieur , tout à fait clair .

-« A présent , allez , mon garçon et faites pour le mieux .

Ils s’installèrent en effet dans le salon Guillaume Tell. On y disposa la literie de deux chambres complètes prêtées par le Dolder Grand Hotel. On dut percer une porte dans un mur, de façon que l’accès à l’appartement ainsi crée pût se faire sans attirer l’attention , par un immeuble adjacent et surtout par les arrières de la banque . la vérité étant qu’aux cours des heures suivantes, il y eu un grand concours de gens en divers domaines .

Il fallu évidemment une salle de bain par exemple , et une cuisine d’une part pour réchauffer les plats commandés à l’extérieur , d’autre part pour installer à son poste le spécialiste en hamburgers qu’on fit venir le jour même  de Francfort par avion avec son matériel et son approvisionnement .

Et des lignes téléphoniques, cinq en tout....

-« J’aurais quelques coups de fils à donner ,expliqua l’homme à Töpfler .Et je ne voudrais pour rien au monde embouteiller les circuits normaux de la banque .Et pendant que j’y pense, pourrions nous disposer d’une petite salle de cinéma ? Ma femme adore le cinéma et surtout les films d’Humphrey Bogart. Vous pouvez vous en occuper Thadeus ? C’est vraiment très aimable à vous .

 

En fait l’homme téléphona énormément et à plusieurs reprises. Töpfler, surprit une partie de ces communications données en quantités de langues différentes .L’homme parlait au moins dix langues et il passait de l’une à l’autre avec une déconcertante facilité .

Quant à la teneur des échanges , Töpfler, ne la comprit guère et d’ailleurs, acquit assez rapidement la certitude que l’homme, là encore, s’amusait ou plus exactement faisait tout cela pour amuser sa femme, si c’était bien sa femme se dit Töpfler . Thadeus se refusa à être dupe ; sinon c’était admettre l’existence d’un homme qui par téléphone , dirigeait des centaines et des centaines de sociétés et d’entreprises dans tous les secteurs d’activité de l’activité humaine sans exception .En usant de codes , de langages chiffrés ahurissants , incompréhensibles , ne prononçant jamais un seul nom propre .

Tout cela n’avait pas de sens . «  C’est bien pour distraire la jeune femme qu’il fait tout cela...... ???

Au sujet de celle-ci , l’intuition initiale de Thadeus se révélait à chaque heure un peu plus fondée : «  Elle est folle à lier » Töpfler n’avait nulle envie d’en sourire . Tout au contraire, il en avait un  chagrin surprenant . On ne pouvait faire autrement que de remarquer l’amour et la tendresse immenses que Lui avait pour Elle . et cette patience infinie........

 

Le premier jour fut relativement agité , de par toutes ces allées et venues que l’on fit , sans pour autant attirer l’attention du public accédant à la banque ou même celle des employés qui n’étaient pas au courant. Mais dans la soirée le calme revint après la fermeture des portes. Pour la nuit on disposa deux gardes supplémentaires dans la banque sans que ceux-ci ,à aucun moment, ne voient le couple , ils en ignorait même la présence.

Les consignes reçues par Töpfler de Knapp ne laissaient place à aucune question : 

-« Thadeus vous restez avec eux, je vous le demande comme un service personnel. Vous prendrez ensuite toutes les vacances nécessaires et nous parlerons ensemble de votre avenir dans cette maison. Mais restez avec eux Thadeus, avec la plus grande gentillesse dont vous êtes capable . Servez leur au besoin à diner, soyez à leur entière disposition Thadeus .  Faites confiance en toutes choses à notre client, il a certaines raisons pour agir comme il le fait ....

 

Le deuxième jour fut plus calme , en partie du moins ;Tout le premier étage de la banque avait été condamné à quiconque sauf à Knapp et Töpfler .

La veille , Thadeus, répondant au désir exprimé par la jeune femme, avait appelé un numéro à Téhéran . A sa grande surprise quand il prononça le nom de Charmian Page ,on lui fit un accueil plus que favorable .Sa surprise tourna même à la stupeur quand le Shah lui-même vint en ligne , demandant délicatement des nouvelles :

-« Je pense qu’elle va très bien....euh , votre majesté , répondit Töpfler abasourdi , elle voulait simplement un peu de caviar et m’a chargé de....

La majesté impériale ,au téléphone dit alors qu’Elle comprenait fort bien la situation , qu’Elle allait donner les ordres nécessaires et qu’Elle serait reconnaissante à lui, Töpfler, de transmettre à Miss Page ses amitiés les plus cordiales .

 

En fait le caviar arriva ,expédié par avion spécial et transmis jusqu’à la banque , porte de service, par deux Iraniens solennels et très taciturnes , visiblement diplomates ou agents secrets.

« Je vivais un rêve insensé » notera Töpfler vingt deux ans plus tard .

 

On était au troisième jour et ce fut celui ou le milliard fut réuni .

Les deux jours précédents , les camions blindés avaient certes déjà défilés , certains provenant de Zurich même. Des autres banques s’étaient au maximum démunies de leurs billets américains , mais surtout le plus gros arriva par l’aéroport militaire de Kloten . La banque ferma plus tôt qu’à l’ordinaire .

 

L’argent commença à s’entasser .

Personne n’avait été capable au juste de déterminer la place que pouvait occuper un milliard de dollars en billets de cent . Par mesure de prudence , de préférence à une simple pièce qui se fut peut-être révélée trop exigüe , on choisit d’empiler les liasses au milieu du hall , sur des draps. Une liasse de dix billets de cent dollars faisait à peine sept millimètres et demi d’épaisseur . Töpfler fit une moyenne . Il établit ainsi qu’un million de dollars , par liasses de billets de cent dollars avec leur bande, représenterait une pile de sept mètres cinquante de haut. Ensuite il mesura un billet de cent dollars ; découvrit que cela faisait cent cinquante millimètres et demi sur soixante six millimètres .Après il chercha à savoir combien de piles de15,5 cm de long sur 6,6 cm de large et sept mètre cinquante de haut entraient dans un mètre carré.....Réponse quatre vingt dix.... !!

-« Seigneur , pensa-t-il ,quatre vingt dix millions de dollars au mètres carrés ! Et il y a mille millions dans un milliard .....

 

Tous les savants calculs de Thadeus se révélèrent faux. Pas de beaucoup mais encore assez tout de même.

Le pharamineux tas de billets couvrait plus de soixante mètres carrés et par endroits dépassait les deux mètres pour la simple raison qu’on avait manqué de billets de cent  dollars  et qu’on avait du faire l’appoint avec des liasses de cinquante, vingt, dix cinq et même un dollar.

 

Vers sept heures , au soir donc du troisème jour , le téléphone sonna dans le salon Guillaume Tell. Töpfler qui attendait l’appel avec fébrilité depuis le départ du dernier camion blindé décrocha . La voix de Knapp dit :

-« Maintenant .

Ils descendirent tous les trois , le couple enlacé marchant devant le jeune suisse .

Dans le grand hall déserté, en dehors du milliard en billets de banque , il n’y avait qu’Aloïs Knapp et le vénérable Füssli appuyé sur sa canne.

L’homme qui se faisait appelé Klimrod aux yeux de Thadeus , tout au moins, ne s’approcha pas même pas de la fortune . Il s’immobilisa les yeux dans le vague, un peu écarquillés , toute trace d’humour ou d’amusement disparus depuis longtemps de son visage .

La jeune femme , en revanche, exécuta un mouvement lent qui lui fit faire le tour de l’amas de billets ;

 

-« Un milliard de dollars ? demanda-t-elle .

-« Un milliard , trois dollars et quarante cinq cents répondit Knapp . Nous vous prions d’accepter toute nos excuses dans le retard apporté à honorer votre chèque .

 

Elle disparut derrière le tas de billets . mais sa voix s’éleva sous la voute sonre :

-« C’est tout à toi Reb ,

-« Oui, dit l’homme qui était impassible  

-« Et tu en as combien de fois autant ?

-« Je ne sais pas

-« Deux fois Reb ? Cinq fois ? Dix fois ?

-« Je ne sais pas.

 

Elle revint dans le champ de vision des hommes ;

-« Et si j’y mettais le feu Reb ?Je peux tout bruler Reb ?

-« Oui

-« Je peux vraiment ?

-« Oui

Mais il sourit et dit avec une fascinante douceur :

-« Seulement tu mettrais le feu à la banque en même temps

-« Achète la banque

-« Que ferions d’une banque  , mon Amour ? C’est un endroit assez triste , tu ne trouves pas ?

 

Elle le regardait et brusquement des larmes parurent dans ses yeux

-« Tu es merveilleusement doux et tendre, Reb . Je t’aime .

-« je t’aime aussi Charmian

 

Elle s’adossa à la muraille de billets et se mit à pleurer sans le moindre bruit.

Töpfler le premier , puis Knapp et enfin Füssli détournèrent leurs yeux , n’osant pas plus la regarder ,elle que lui, dont le visage était celui d’un homme crucifié.

-« Ramène-moi là-bas Reb, maintenant, Qu’ils m’enferment à nouveau.

Les multiples gardes armés établis tout autour de la salle mais à l’extérieur de la salle, les laissèrent passer sur un signe de Knapp. Mème après que les portes se furent refermées , Töpfler ne bougea pas . Knapp lui dit :

-« Rentrez chez vous mon garçon . C’est fini

-« Que va t on faire de tous ces billets demanda-t-il

-« Les remettre à leur place , ou ils étaient , que peut-on faire d’autre .

Thadeus Töpfler hocha la tète . Evidemment.

 

Il marcha à son tour vers la sortie.

-« Thadeus ?

Töpfler dit simplement ,sans se retourner tout à fait :

-« Je sais , je dois me taire .

 

Il s’en alla à son tour. Il n’avait pas le gout de parler à quiconque . Il avait plutôt envie de pleurer lui aussi .

 

Il était vingt heures vingt cinq ce 18 décembre 1960.

 

Charmian Page mourut le 17 janvier 1961

 

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