L’Avenue Victor Hugo était fraiche, mouillée comme s’il avait plu. Les trottoirs luisaient reflétant les grilles des avant-cours des hôtels particuliers qui s’alignaient comme des vieilles dames endormies sur cette partie de l’avenue .
Je regardais ma montre, il était quatre heure vingt ,nous étions samedi matin ,déjà... le ciel était encore bleu nuit avec des franges plus pales , il me faisait penser à un tapis étalé au dessus de moi entre les deux rangées de toits .
L’arroseuse des éboueurs allait tourner à gauche dans la rue de la Pompe, elle avait fini la toilette de l’avenue, nous ,nous allions retrouver ma voiture garée la veille ,cette nuit , dans le parking souterrain au 122
Elle , enfin lui....alimentait les gazettes et les derniers potins avec ses frasques urbaines .
On l’avait retrouvé il y a six mois , enfin il avait été ramassé ,par une patrouille de la police, alors qu’il descendait au goulot une roteuse de Dom Pérignon , vautré dans la benne arrière d’un camion poubelle , au milieu des sacs en plastiques remplis d’ordures ménagères .
Autour du camion ,les trois éboueurs chantaient ou plutôt hurlaient, bouteilles à la main :
-« Il est des nôôôtres , il a pris son pied comme les autres ♫♫♫♫ !
En soi c’est drôle et sain ,et plein de bonne humeur , mais rue du faubourg-st-martin , à 3h du matin ça agace les braves gens qui sont réveillés par la chorale des noctambuléboueurs dirigée de main de maitre par la baguette ‘’très en forme’’ de Frédérique...
Frédérique avait un faible pour les ouvriers et tout le bon peuple des bistrots en général.
Quand une envie le prenait, il écumait les routiers, les clubs privés, le soir, le long ou autour des autoroutes dans un rayon de 100 km autour de Paris . Hé, tout seul comme une grande ! pas froid aux yeux la copine ....!
Un soir , j’arrivais justement dans un de ces établissements avec Myriam ,on avait rendez-vous là avec Abdel, son frère .
Qui dit Abdel, dit Jack évidemment . Lorsque nous entrâmes dans le Gastro ,il y avait une dizaine de chauffeurs routiers en train de ‘’casser la croûte’’ paisiblement assis à leur table et ,dans le fond ,dans l’arrière salle , un bruit de corrida ou de match de boxe signalait aux clients que là , on ne mangeait pas , mais on buvait plutôt .
C’était pas un ‘’after’’ mais un ‘’before’’ copieusement ravitaillé en bière pression par la patronne qui les amenait par 6 ou par 8 , ne soyez pas étonné , elle avait des mains larges comme des godets de pelleteuses et il y avait fort à parier qu’elle n’avait pas trop de souci avec la clientèle pour gérer son établissement , rien qu’avec le vent de la paluche,si elle te ratait , tu te chopais une bronchite.... !
Certains clients étaient en admiration devant elle....
On se fraie un chemin jusqu’à l’arrière salle ,et là , au milieu, d’un cercle de routiers et de chauffeurs en tous genres , Jack, en polo rose est en train de faire une partie de Bras de fer avec le fils spirituel de Stallone et Lino Ventura....impressionnant !!
On fait le tour car on a repéré Abdel qui suit le match , au milieu du cercle des chauffeurs , sans rien dire, pas expansif le coquin ,mais je ne voudrais pas visiter son intérieur car à mon avis il est en train de bouillir là-dedans , ça doit être chaud comme une baraque à frites ! Voir son ‘’Binôme’’ faire le beau en public ne l’amuse jamais .....
Et voila , claquement des bras et des mains sur la table , Jack s’est fait aplatir par Schwarzenegger , ils sont contents tous les deux l’un d’être battu , l’autre d’avoir battu , et en plus ils s’embrassent , Schwartzi doit faire dans les 1,85 m au garrot ,il doit se baisser , ça ne gène pas Jack qui lui prend la nuque et lui en roule une sans se gêner des hurlements autour , et on commence a entendre des encouragements qui ne vont pas du tout plaire à Abdel .....
-« Avec la langue ! Avec la langue ! Avec la langue ! .
Oh là, là , soit Jack se calme , soit il faut trouver , avec beaucoup de tact....un gentil copain de soirée pour Abdel , mais nous ne saurons jamais comment se finira leur nuit car Myriam et moi , étions d’accord pour repartir de l’endroit en laissant les Dupond Dupont trouver seuls la meilleure recette pour finir leur cuisine , chacun son pain et son hareng comme on dit , je ne mettrai jamais le doigt entre l’écorce Abdel et l’arbre Jack !
Et savez-vous pourquoi ?
D’abord parce que je les aime beaucoup tous les deux et je ne prendrais ni le parti de l’un ,ni le parti de l’autre, mais surtout parce qu’un soir , j’avais trouvé Jack dans une situation identique .
C’était chez des amis Corses qui avaient une boite de nuit , enfin...un endroit fermé ou on f'sait des trucs...le long de la N 10 après Rambouillet sur la droite en allant vers Ablis .
Il était en train de ‘’défier’’ avec beaucoup précautions oratoires (pas fou le bougre) ,pour une partie de bras de fer ,un splendide spécimen de 40 ans ,190 cm, et 0,120 tonne ,et ,quand je l’ai attrapé par le coude en lui murmurant :
-« Arrête jack , ça sent les embrouilles ton truc, tu vas pas aller loin avec ce lascar , il va mal le prendre et te coller une droite , et toi qu’a un mal fou à cicatriser tu vas être servi !!
Jack m’a regardé avec ses yeux noirs , brillants comme de l’anthracite , et il m’a susurré à l’oreille :
-« Sois tranquille, je sais ou je vais, je connais ce genre de bourrin, j’les sens .....Ça roule des mécaniques et ça s’fait baiser comme une reine , ça en redemande même ...t’inquiète pas Mimi !
Depuis ce soir là , je ne prodigue plus de conseils à Jack, son radar à bourrins fonctionne très bien, j’l’ai vu à l’œuvre, il est opérationnel !!!
La suite demain les Ami(e)s.....
Michel